Les Mystères d'Inanna
Un voyage initiatique vers la métamorphose

Au début, Dieu était Femme et Mère

01/08/2025

Au début, Dieu était Femme et Mère

Pendant des dizaines de millénaires, bien avant l’émergence des grandes religions patriarcales, l’humanité a vénéré la vie sous les traits d’une femme. Les premières images du sacré ne représentaient ni des dieux ni des rois, mais des mères, des ventres, des seins, des cycles. À travers ces figurines, peintures et rituels, les peuples du Paléolithique exprimaient une vision unifiée du monde : la Terre comme une matrice vivante, la femme comme son reflet, la naissance comme un mystère divin.

Les premières images du sacré au paléolithique

Bien avant que les civilisations ne dressent des temples ou ne sculptent des dieux masculins, l’humanité a représenté le mystère de la vie sous les traits d’une femme sacrée souvent nue.

Les archéologues ont retrouvé plus de cent trente figurines datant de 25 000 à 15 000 ans avant notre ère, dispersées de la France à la Sibérie. Ces petites sculptures, souvent en pierre, en ivoire ou en argile, montrent des corps féminins aux formes opulentes: seins pleins, ventre arrondi, hanches larges, vulve proéminente, parfois enceintes. 
Elles ne portent pas de visage. Ce n’est pas l’individu qu’elles évoquent, mais une réalité plus vaste : la source de la vie.

Déesse Catal Höyèk - 8000 ans

Beaucoup étaient recouvertes d’ocre rouge, couleur du sang et de la fécondité, et plantées dans le sol à l’entrée des abris ou près des foyers. Ce geste rituel reliait symboliquement le ventre de la femme au ventre de la terre.
Les plus célèbres — Laussel, Lespugue, Willendorf, Catal Höyèk — témoignent d’un lien intime entre la fécondité humaine et les rythmes de la nature. Sur la paroi de Laussel, une femme tient une corne de bison marquée de treize traits : les treize jours de la lune croissante et les treize mois lunaires de l’année. La Déesse et la lune étaient déjà associées dans un même cycle de naissance, de mort et de renaissance.
Les statuettes représentant des hommes sont absentes dans les fouilles, elles n'apparaitront que beaucoup plus tard.

La vision du monde paléolithique

Les peuples du Paléolithique ne se pensaient pas séparés du monde vivant : ils s’y savaient inclus.
Les grottes qu’ils occupaient n’étaient pas seulement des refuges ; elles servaient aussi de sanctuaires sacrés. Entrer dans la grotte, c’était revenir dans l'utérus de la Mère, lieu d’origine et de transformation. Les parois décorées d’animaux symbolisaient la diversité des formes nées d’elle : le bison, le cheval, la biche, le lion, tous liés à la même matrice universelle.
Le corps féminin incarnait ce mystère de la continuité du vivant.
Dans la Déesse-Mère, les humains reconnaissaient la force invisible qui anime la croissance des plantes, la gestation des animaux et le retour des saisons.
À travers elle, la nature entière apparaissait comme un organisme vivant, fécond, cyclique, et non comme un ensemble d’objets à dominer.
Cette conscience, que l’on peut appeler cosmique ou matricielle, unifiait la vie terrestre et les phénomènes célestes : la lune, les eaux, le sang, la naissance.
Chaque femme devenait ainsi l’image de la Grande Déesse et chaque naissance rappelait la création première.

Une spiritualité centrée sur la Mère Divine, la première forme de religion connue

Nommer ces figures « Vénus » a souvent brouillé leur sens. Ce mot latin évoque la beauté érotique plus que le sacré.
Or, tout dans leur posture et leur disproportion volontaire indique un usage rituel. Elles représentaient la puissance de donner la vie, non la séduction.
On y voit la première forme de religion connue : non pas un culte du pouvoir ou de la peur, mais une vénération de la vie elle-même.
Cette spiritualité s’exprimait par des gestes simples : peindre, enterrer, danser, célébrer la lune.
Elle ne séparait pas le corps de l’esprit ni l’humain du monde. Le sacré n’était pas au-dessus de la terre ; il en émanait.

Le renversement des valeurs

Au fil des millénaires, avec l’apparition de l’agriculture, des cités et des royaumes guerriers, le centre du sacré a été renversé : de la Terre vers le Ciel, du corps vers l’esprit, du féminin vers le masculin.
L’autorité, autrefois perçue comme immanente et nourricière, s’est élevée au-dessus du monde sous la forme d’un Dieu Père.
La puissance d’enfanter — symbole de création, de régénération et de don — a été supplantée par la puissance de commander, fondée sur la conquête et la hiérarchie.
Lorsque la Déesse fut réduite au rôle d’épouse parfois par le viol ou de possession du Dieu mâle, le tissu symbolique de la société se transforma : la guerre prit le pas sur la fertilité, la domination sur la coopération, et les femmes, autrefois gardiennes du sacré, furent marginalisées au sein d’un ordre patriarcal qui fit de leur soumission une vertu.

Déesse Cybèle -1'000

La Vierge Marie Moyen-âge, un petit air de famille

Pourtant, l’ancienne mémoire n’a jamais disparu.
Elle a survécu sous d’autres visages : Isis en Égypte, Inanna / Ishtar à Sumer, Cybèle en Anatolie, Déméter en Grèce, puis Marie dans la tradition chrétienne.
À travers elles, l’humanité a continué, parfois sans le savoir, à honorer la même source : la Grande Mère, principe de toute fécondité.

Héritage et redécouverte

Aujourd’hui, redécouvrir la Déesse-Mère, ce n’est pas seulement un retour vers le passé.
C’est reconnaître qu’au cœur de notre culture rationnelle demeure une mémoire plus ancienne : celle d’une humanité consciente de sa dépendance envers la nature.
Les figurines du Paléolithique ne sont pas des curiosités archéologiques ; elles nous rappellent que la vie était d’abord perçue comme un don sacré à respecter.
Retrouver cette vision, c’est peut-être rouvrir la voie d’une spiritualité incarnée, où la Terre redevient une matrice et non une ressource.
Car, avant d’être un concept ou un dogme, Dieu fut un ventre maternel,
et l’univers, un enfant en train de naître.