05/10/2025
Après avoir expérimenté la fluidité dans mes émotions, puis dans ma vie spirituelle, un nouveau territoire s’est ouvert : celui de mon identité. Ce que je croyais fixe, défini une fois pour toutes, a commencé à se transformer. Je découvrais une autre forme de fluidité — plus intime, plus déstabilisante aussi — celle de mon rapport à mon genre.
Ce n’était pas une idée théorique, ni une quête volontaire, mais une expérience vécue, surgie d’une rencontre, d’une émotion, d’un mot. Peu à peu, j’ai compris que la question n’était pas de savoir si j’étais « l’un » ou « l’autre », mais comment accueillir en moi les deux dimensions, masculine et féminine, qui ne s’opposent plus, mais s’unissent.
Le genre, mais de quoi me parlez-vous ?
Durant mes vacances, j’ai découvert une autre forme de fluidité : celle de ma perception de qui je suis, de mon genre.
Jusqu’alors, pour moi, c’était une affaire réglée, un sujet clos.
J’étais né garçon, donc je ne pouvais être qu’un homme.
Et voilà que moi, qui n’avais jamais réfléchi à ces questions, ni rien lu sur le sujet du genre — que j’avais toujours perçu comme une théorie subversive, étrange, issue d’une morale déviante —, je me retrouve soudainement bousculé.
On m’avait appris qu’un homme est un homme, qu’une femme est une femme, point final. Fin de la discussion !
C’est ce schéma qui m’habitait depuis l’enfance.
Le trouble d’une rencontre
Et puis, dans l’avion pour le Sénégal, il y a eu cette rencontre inattendue : un steward dont la manière de me parler, de me servir, m’a troublé.
Rien d’équivoque entre nous, bien sûr, mais j’ai été touché, profondément.
Ses gestes étaient doux, attentifs, empreints d’une délicatesse presque féminine.
Je suis resté bouleversé pendant plusieurs heures, me demandant :
« Si je perçois cela chez lui, n’y aurait-il pas aussi en moi cette même qualité ? »
Alors, inévitablement, j’ai pensé : « Serais-je un homosexuel refoulé ? »
Mais cette question n’a été que le point de départ d’un long processus de découverte.
Une révélation intérieure
À partir de cette brève rencontre, un mouvement intérieur s’est enclenché.
J’ai fini par comprendre que je n’étais pas homosexuel, mais psychologiquement androgyne.
Je suis pleinement homme dans mon corps, biologiquement et fonctionnellement, mais en moi coexistent des caractéristiques féminines fortes, longtemps dissimulées, mais bien présentes.
Cette révélation a pris forme dans un moment particulier : j’étais au Sénégal, dans la piscine chaude.
J’aime écouter de la musique dans l’eau — cet élément maternel qui m’enveloppe, chaud, humide, comme un retour symbolique à l’utérus.
Le mot qui a tout déclenché
Ce jour-là, j’écoutais un contre-ténor — autrefois on les appelait les castrats —, cette voix troublante à la fois masculine et féminine, qui me bouleverse depuis toujours.
Alors que je flottais dans l’eau chaude, j’ai entendu intérieurement un mot clair, fort : « Androgyne. »
Un mot que je n’utilise jamais, que je n’avais jamais étudié.
Et pourtant, il s’est imposé comme une évidence.
Une exploration passionnée
À partir de là, pendant près de quinze jours, j’ai exploré sans relâche ce concept.
J’ai découvert le travail de la psychologue américaine Sandra Bem, qui, dans les années 1980, a élaboré la notion d’androgynie psychologique.
Elle ne décrit pas un homme efféminé ou une femme garçonne, mais un être qui manifeste à la fois des caractéristiques masculines et féminines à un haut niveau.
Pour elle, l’androgyne n’est pas dans le manque, mais dans la plénitude des deux pôles.
J’ai compris que c’était moi après avoir passé son test.
J’ai découvert que j’étais androgyne à un niveau très élevé.
Accueillir la femme en moi
Depuis ce moment, je me sens d’une grande fluidité dans la perception de qui je suis.
Oui, je suis un homme.
Mais en moi vit une femme, avec sa douceur, son accueil, son attention.
Il y a même une mère.
Il m’arrive, dans certains accompagnements ou même avec ma femme, de me sentir mère.
D’avoir envie de caresser, d’être délicat, enveloppant, de prendre soin.
Ce n’est pas une énergie paternelle, c’est une énergie maternelle.
Au début, ce sentiment m’a semblé étrange, puis il m’est apparu comme quelque chose de magnifique.
Une vérité intime
Alors oui, si on me demandait aujourd’hui de me présenter, je dirais :
« Oui, je suis un homme, mais au fond de moi, je suis aussi une femme. »
Je sais que ce sera difficile à entendre pour beaucoup.
Mais je le sens profondément : mon genre est devenu fluide.