10/05/2025
Le channeling désigne une pratique de médiation spirituelle dans laquelle une personne transmet intuitivement un message perçu comme provenant d’une conscience non incarnée. S’il a été remis en lumière par le mouvement New Age, le channeling s’inscrit en réalité dans une tradition millénaire de transmission inspirée, présente chez les chamanes, les prophètes et les mystiques. Il mobilise un état élargi de conscience, favorisant l’émergence de contenus symboliques, archétypiques ou spirituels. Aujourd’hui, la psychologie transpersonnelle reconnaît cette pratique comme une voie légitime de transformation intérieure, à condition d’être accompagnée de discernement, d’intégrité et d’ancrage.
Une pratique ancestrale revisitée
Si le channeling est aujourd’hui associé à une forme moderne de réception inspirée, il puise ses racines dans des pratiques anciennes où l’humain se faisait déjà messager du monde invisible. Dans toutes les civilisations, certains individus – chamanes, oracles, voyants, prophètes ou mystiques – se retiraient de la conscience ordinaire pour laisser émerger une parole perçue comme venant d’un autre plan de réalité. Ce que nous nommons aujourd’hui « channeling » était autrefois intégré dans des contextes rituels, religieux ou mythologiques, où le canal humain assumait une fonction sacrée de médiation entre les dieux, les ancêtres et la communauté vivante.
Ce qui distingue le channeling contemporain, ce n’est pas tant la nature du phénomène que le cadre culturel et symbolique dans lequel il s’exprime. Libéré des dogmes religieux ou institutionnels, il se présente comme une expérience directe, souvent individuelle, d’un contact intuitif avec une conscience élargie. Ce déplacement ne rompt pas avec la tradition : il en propose une réactualisation intérieure, plus libre, plus subjective, mais tout aussi exigeante sur le plan éthique et spirituel. Dans cette perspective, le channeling n’est pas une nouveauté mais une renaissance d’un geste immémorial : celui de devenir canal d’un souffle qui dépasse le moi, au service du sens, de l’unité et de la transformation.
Une définition élargie et rigoureuse
Le mot channeling, emprunté à l’anglais to channel (canaliser), désigne un processus par lequel une personne — souvent appelée canal ou channel — entre dans un état de réceptivité pour transmettre un contenu perçu comme provenant d’une source non physique : guide spirituel, conscience archétypale, intelligence subtile ou présence lumineuse.
Le channeling peut se manifester sous différentes formes :
- par la voix parlée, dans un état de présence ou de transe légère ;
- par l’écriture automatique ou inspirée ;
- par des visions symboliques ou verbales ensuite traduites.
Il ne s’agit pas de divination, ni de consultation personnelle, mais d’une transmission d’enseignements à visée spirituelle, existentielle ou évolutive. Le message concerne généralement des dimensions de l’être, des lois universelles, des cycles de transformation ou des révélations intérieures.
Une pratique enracinée dans l’histoire humaine
Bien que le terme channeling soit récent, la pratique qu’il désigne est aussi ancienne que l’humanité elle-même. Les chamanes, les oracles, les prophètes, les mystiques, les bardes inspirés ont toujours reçu et transmis des messages ressentis comme provenant d’un ailleurs. Dans les traditions sacrées du monde entier, certains êtres sont reconnus comme intercesseurs entre l’humain et l’invisible.
Le channeling s’inscrit ainsi dans une filiation profonde avec :
- le chamanisme primitif, où l’individu entre en contact avec les esprits guides ou animaux ;
- le prophétisme biblique ou soufi, où la parole inspirée révèle la volonté du divin ;
- les oracles antiques, comme la Pythie de Delphes ;
- la mystique chrétienne ou orientale, où l’âme s’ouvre à l’influence d’un monde supérieur ;
- les phénomènes de médiumnité spirite, popularisés au XIXe siècle.
Le New Age des années 1970-80 n’a donc pas inventé le channeling. Il a plutôt servi de moment de réactivation collective, où cette capacité, jusque-là cantonnée aux cercles religieux ou ésotériques, est redevenue accessible à un public plus large.
Une ouverture par états modifiés de conscience
Le channeling suppose une modification temporaire de l’état de conscience, sans perte de contrôle ni rupture avec la réalité. Il ne s’agit pas d’une transe profonde comme dans certaines formes de médiumnité, mais d’un état d’attention intérieure subtile, proche de l’absorption méditative ou de l’inspiration artistique.
Cet état se caractérise par :
- une diminution de l’activité mentale rationnelle,
- une sensation d’expansion intérieure,
- une perception subtile d’une présence ou d’un flux,
- parfois une variation du ton de voix, de posture ou de rythme d’élocution.
La psychologie transpersonnelle, notamment à travers les travaux de Stanislav Grof, reconnaît que ces états non ordinaires de conscience peuvent être profondément transformateurs, à condition d’être intégrés avec vigilance et accompagnement.
Typologie des sources de transmission
Le channel peut recevoir des messages de formes de conscience très variées, selon sa sensibilité, sa formation et sa culture symbolique. Les principales catégories rapportées sont :
- Les guides spirituels : entités individuelles protectrices, accompagnant le développement de la personne.
- Les maîtres ascensionnés : figures traditionnelles ou universelles associées à la sagesse (ex : Jésus, Bouddha, Saint-Germain, Marie).
- Les collectifs de conscience : groupes d’entités s’exprimant comme une seule voix, au-delà de l’individualité.
- Les intelligences lumineuses : formes de conscience non humaines liées à l’univers, à d’autres dimensions ou civilisations.
- Le Soi supérieur ou la Source : pour certains channels, ce qui est perçu comme extérieur est en fait une expression symbolique de leur propre profondeur.
Il est crucial ici de rappeler que la nature de l’entité perçue est souvent interprétée à travers le filtre culturel, symbolique et affectif du channel. Cela n’enlève rien à la valeur de l’expérience, mais invite à une lecture à la fois ouverte et rigoureuse.
Une pratique à la croisée de l’inspiration et du discernement
Le channeling est porteur d’expériences intenses, de révélations puissantes, de visions profondément structurantes. Mais il est aussi sujet à projections inconscientes, à interprétations littérales et à certains dérives si l’égo s’en empare.
Plusieurs lectures critiques ont été formulées, évoquant notamment :
- des phénomènes d’autosuggestion ou de dissociation maîtrisée,
- des constructions de l’inconscient personnel ou collectif,
- des risques d’inflation spirituelle, d’illusion, voire de manipulation.
Ces critiques ne disqualifient pas le phénomène, mais soulignent la nécessité d’un cadre intérieur solide, d’un travail de discernement, et, idéalement, d’un accompagnement psychospirituel.
Une voie transpersonnelle d’évolution
Malgré ses zones d’ombre, le channeling, lorsqu’il est pratiqué avec intégrité, humilité et lucidité, représente une voie d’exploration des profondeurs de la conscience humaine. Il mobilise des couches de l’être qui échappent au mental, et offre un accès symbolique ou direct à des contenus transpersonnels.
La psychologie transpersonnelle l’envisage comme :
- un outil d’élargissement de la conscience,
- une voie de transformation intérieure au contact d’archétypes ou de guides,
- un rituel de reliance entre le moi, le soi et le cosmos,
- une expérience de sacralité vivante.
Ce n’est pas un savoir théorique, mais une pratique incarnée, un art de recevoir, qui nécessite autant de rigueur que de réceptivité.