03/05/2025
Le dépouillement de l’ego est une phase incontournable du cheminement transpersonnel.
Il se manifeste par une crise existentielle profonde, une perte d’identité, une vacuité intérieure vécue parfois comme une mort psychique.
Pourtant, ce processus n’est pas pathologique. Il est porteur d’une valeur initiatique majeure, reconnu par les traditions mystiques et validé par les théories transpersonnelles (Grof, Assagioli, Jung, Wilber…).
Cette traversée ouvre un espace neuf : le vide créateur et la renaissance du Soi, que nous explorerons dans le marqueur suivant.
Un passage radical vers une conscience plus vaste
L’un des marqueurs fondamentaux de l’expérience transpersonnelle est le dépouillement de l’ego. Ce processus correspond à une dissolution partielle ou totale de l’identité habituelle, vécue comme une mort symbolique.
Longtemps confondu avec des états pathologiques, ce dépouillement est en réalité une étape initiatique universellement décrite dans les traditions mystiques et les modèles transpersonnels.
Cette page expose ses caractéristiques, ses manifestations, ses justifications théoriques et sa profonde valeur transformative.
Une crise nécessaire : la nuit obscure du soi
Lorsque l’individu entre dans une transformation spirituelle profonde, il peut traverser ce que la tradition appelle la nuit obscure.
Cette phase se manifeste souvent par une désorientation existentielle totale, une perte de sens, une vacuité intérieure accompagnée de sentiments de désespoir, d’indignité ou d’effondrement de la volonté.
Roberto Assagioli, fondateur de la psychosynthèse, décrit cette étape comme une crise du développement spirituel, marquée par une désidentification radicale du moi.
Il insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un trouble pathologique, mais d’un processus à visée initiatique.
« Ce n’est pas un état pathologique... Il a des causes spirituelles et une grande valeur initiatique. »
(Assagioli, Transpersonal Development)
Cette désintégration, bien qu’angoissante, prépare une recomposition à un niveau de conscience supérieur.
La mort de l’ego selon Stanislav Grof
Stanislav Grof, psychiatre transpersonnel, a observé ce processus lors de séances psychédéliques et de respiration holotropique.
Il parle d’un ego death comme d’un événement marquant, vécu comme une destruction instantanée et impitoyable des repères habituels.
Dans sa cartographie des matrices périnatales, cette mort de l’ego correspond à la transition entre la lutte mortifère (BPM III) et la renaissance (BPM IV).
C’est dans ce passage que la conscience, après avoir résisté à l’impossible, lâche prise et bascule dans une expansion nouvelle.
« Un sentiment d’annihilation totale... une destruction instantanée de tous les points de référence de la vie de l’individu. »
(Grof, Basic Perinatal Matrix)
La confrontation jungienne avec l’inconscient
Carl Gustav Jung n’a pas employé le terme ego death, mais il a lui-même traversé une désintégration intérieure profonde, qu’il relate dans Le Livre Rouge.
Il décrit une plongée dans l’inconscient, faite de visions, de chaos, et de confrontation avec les ténèbres psychiques.
Pour Jung, cette expérience est nécessaire à l’individuation : il faut que le moi conscient se défasse pour que le Soi émerge comme centre unificateur.
« Nul ne s’illumine par la fantaisie de figures de lumière, mais en rendant les ténèbres conscientes. »
(Jung)
Il relie cette nuit obscure à l’œuvre au noir alchimique, stade de putréfaction précédant la naissance de l’or intérieur.
Vers la dissolution du soi dans le vide causal
Ken Wilber intègre cette dynamique dans son Spectre de la conscience.
Il montre que, passé un certain stade (le self centaurique), l’identité séparée se dissout dans ce qu’il appelle l’état causal – pure conscience sans forme.
Cet état est l’équivalent contemporain de la vacuité mystique : il correspond à la disparition du moi-observé, à l’effacement du mental discursif, et à la révélation d’un vide créateur.
« L’identité séparée est abandonnée, le moi et le moi-observé disparaissent. »
(Wilber, Stages of Meditation)
Wilber rattache cette étape à la tradition chrétienne de la Nuit obscure, vécue dans la prière contemplative silencieuse.
Témoignage vécu : la chute dans le vide
Ce dépouillement n’est pas qu’un concept théorique. Il a été vécu avec intensité dans un contexte de transformation intérieure, marqué par la perte de repères, l’effondrement des certitudes, et la sensation d’être arraché à toute construction identitaire.
Dans ce vécu, le moi semblait s’écrouler, ne laissant qu’un vide terrifiant et nu. Cette expérience a été suivie par une phase de silence, où l’être profond a commencé à se reconstruire autrement – à partir d’un espace vierge, matriciel, infiniment plus vaste que l’ancien moi.
Ce témoignage personnel rejoint celui d’Eckhart Tolle, qui rapporte que, à la suite d’un désespoir absolu, son mental s’est figé puis dissous dans un néant intérieur lumineux.
« Je me suis senti aspiré dans un vide… c’était comme si le vide était à l’intérieur de moi. »
(Eckhart Tolle, Le Pouvoir du moment présent)
Une traversée de l’angoisse… vers la liberté
Nombreux sont les auteurs qui précisent que cette crise est le seuil d’un basculement.
Ce qui paraît d’abord comme une perte de soi se révèle être une libération du faux-soi, des identifications anciennes, des conditionnements.
Dans le modèle du héros (Campbell), cette étape correspond au départ du monde connu, à la séparation nécessaire avant l’initiation.
C’est aussi ce que décrivent les mystiques comme sainte Thérèse d’Avila ou saint Jean de la Croix : un lâcher-prise radical pour que la lumière divine puisse émerger.